Origine et fondation
Un groupe de six chevaliers, convertis à un mode de vie non-violent par Wederic, moine de l’abbaye Saint-Pierre de Gand, s’installe, en 1062, sur des terres entre Alost et Asse données par le comte palatin, Hermann II de Lotharingie, et forment d’abord une communauté d’ermites. Ils sont rejoints par d’autres. La communauté s’organise au fil des années. Une première église, Saint-Pierre, est érigée en 1083 et la règle de Saint-Benoît est adoptée en 1085 au sein de la communauté.
Après la mort de Hermann II de Lotharingie, ils reçoivent la protection des comtes de Louvain. Plusieurs membres de cette famille sont enterrés à Affligem, dont Godefroid II de Louvain (†1142) et sa fille Adélaïde de Louvain, reine d'Angleterre (†1151). Au XIIe siècle, l’abbaye est connue pour son esprit monastique authentique. Un de ses moines, un certain Jean, est passé dans l’histoire pour avoir composé le premier traité de musique polyphonique. Saint Bernard de Clairvaux passe à Affligem en 1146.
Durant les premiers siècles de son existence, l’abbaye fonde plusieurs prieurés : Wavre (vers 1093), Frasnes-lez-Gosselies (1099) et Bornem (1120). D’autres fondations ou affiliations ont lieu au XIIe ou XIIIe siècle : Saint-André (Bruges), Maria-Laach (en Allemagne), Vlierbeek (près de Louvain), ainsi que les monastères de Forest (Bruxelles) et Grand-Bigard.
Au XIVe siècle, pas moins de 62 prieurés ou monastères sont liés à l’abbaye d’Affligem. Des incendies, en 1333 et 1356, dus aux guerres entre la Flandre et le Brabant ne ralentissent pas son progrès. Affligem est une abbaye prestigieuse et influente, plusieurs abbés occupant des positions importantes. Jean t’Serjacob (†1429) est membre des états du Brabant et cofondateur de l’université de Louvain. L'abbé Goswin Herdinck (†1493) est souvent envoyé comme ambassadeur par l’archiduc Maximilien d'Autriche, en particulier lorsqu’il s’agit de résoudre des conflits.
Déclin, reprise et suppression
Au début du XVIe siècle, l’abbaye passe au régime commenditaire, ce qui entraîne son déclin, au spirituel comme au temporel. Ses abbés commenditaires ne s’intéressent qu’aux revenus qu’elle leur procure. La famille de Croÿ donne deux abbés à Affligem. L’un, Guillaume de Croÿ, est également évêque de Cambrai et abbé de Saint-Pierre (Gand). À 19 ans, il est même primat d’Espagne et meurt quatre ans plus tard dans un accident de chasse. Lui succède son frère, Charles de Croÿ : tonsuré à 10 ans, il est abbé d’Affligem à 14 ans et évêque de Tournai à 18 !
En 1561, par décision du pape Pie IV, l’abbaye est incorporée au patrimoine de l’archidiocèse de Malines, récemment créé (1559), le but étant d’assurer des revenus au nouveau diocèse. Le bien de l’abbaye et de ses moines est oublié. En 1580, les troupes de Guillaume d’Orange y mettent le feu. Pour couronner le tout, les refuges qu’Affligem possède à Louvain et Termonde sont vendus en 1595 par l’archevêque de Malines, Hovius, qui cherche des fonds pour se construire un palais épiscopal.
Un renouveau se dessine au XVIIe siècle avec l’abbé Benoît van Haeften (†1648), qui restaure une partie des bâtiments et s’assure la collaboration de grands artistes tels que Rubens et Gaspard de Crayer. Il réussit également à rassembler autour d’Affligem une fédération de monastères bénédictins des Pays-Bas. Cette fédération ne lui survit que quelques années et est dissoute en 1654. Les guerres de la fin du siècle et les armées de Louis XIV entraînent de nouveaux préjudices : les moines ne sont plus qu’une trentaine en 1686.
En 1720, le célèbre architecte Laurent-Benoît Dewez est invité par l’abbé Odon de Craecker à construire une nouvelle hôtellerie. C’est le beau bâtiment de style classique, appelé maison de l’évêque, que l’on peut voir encore aujourd’hui.
Les moines sont 36 en 1763. Lorsque l’abbaye est supprimée et ses biens déclarés biens nationaux, les moines, alors expulsés le 11 novembre 1796, sont 28 à quitter les lieux.
Restauration
En fait, un groupe de moines reste ensemble et forme, dès 1801, communauté autour de Beda Regaus, dernier abbé d'Affligem. Après l'indépendance de la Belgique (1830) - et la nouvelle constitution garantissant entière liberté religieuse - le groupe, réduit à 8 survivants, reprend, en 1837, un ancien couvent de capucins à Termonde. Sous l’impulsion de Veremandus d’Haens, les autorités ecclésiastiques reconnaissent la restauration canonique d’Affligem à Termonde (1841). À la mort du dynamique abbé d’Haens, en 1846, les moines sont 12.
En 1868, les ruines de l’ancienne abbaye d’Affligem sont rachetées. Son domaine est beaucoup plus petit et un travail considérable doit être fait avant que les moines ne puissent réintégrer les lieux. C’est possible deux ans plus tard. Le 18 juin 1870, 12 moines partent alors à pied de Termonde pour revenir à Affligem.
L’abbaye reprend immédiatement vie. Des travaux d’agrandissements, avec une nouvelle abbatiale en style néo-gothique, sont entrepris en 1879. De nombreuses vocations permettent des fondations, à Merkelbeek, dans le Limbourg néerlandais (1892), et une autre dans le Transvaal en Afrique du Sud. Un nouveau cloître, une cage d’escalier et une bibliothèque sont érigés en 1933-1934, parmi un ensemble de bâtiments réalisé selon les plans de l'architecte néerlandais Kropholler. En 1972, l’église néo-gothique est démolie et remplacée par une autre plus moderne.
Aujourd’hui
À côté de la nouvelle abbaye se dressent quelques constructions de l'ancienne dont la Maison des Évêques, une porte et un pavillon, ainsi que des ruines de l'abbatiale primitive, soit un mur de la nef fleuri de cinq baies ogivales[1].
Au XXe siècle, ayant été soustraits aux tentatives iconoclastes ou spoliatrices, de nombreux trésors restent en possession des moines d'Affligem-Hekelgem : prestigieux vêtements liturgiques, calice de Saint-Bernard et autres orfèvreries, manuscrits anciens, etc[2].
Redonnant vie à une très ancienne tradition bénédictine, Affligem est engagée dans l’animation et le renouveau liturgique. Elle publie un missel des fidèles en 1915 et sa revue de liturgie, lancée en 1919, fait autorité. Un centre culturel est ouvert en 1967. Il s’y trouve également un centre religieux, et un centre de rencontre pour les jeunes.